Les oeuvres de Chagall les plus belles offrent cet envol et cette suspension des sujets dans un ciel hanté par des élans de spectacle et de formes entrecroisées, aériennes, dans une fuite perpétuelle et mélancolique vers une offrande sacrée. On y voit, comme dans la célèbre chanson au génie enfantin du « Jardin Extrordinaire », mais qui serait sacré, des souvenirs de ses tourments, des icônes en transformation, des paraboles, des thèmes juifs ou bibliques sortis de ses mains comme autant de visions surréelles et intensément humbles, souffrantes, disant des prophéties qu'on entend au milieu des nuages. Et puis et surtout, le peintre nous élève vers des sommets où son langage de plans superposant les vues, les récréant en voyage perpétuel, poussés par les houles brassant les cieux, paraissent naviguer et renaître, avec toujours la peinture russe en toile de fond, ses maisons tordues qui marchent, ses êtres familiers des années profondes, celles du shtetel natal, ses villages de guingois, ses visages surgis dans un élan de comète sans fin. L'ampleur et la variété des thèmes traités par ce peintre recréant à volonté toute la vie, toute sa musique lancinante et triste mais la dépassant toujours, nous berce d'envolées et de lysrisme : porté par elle dans une complainte originelle, biblique, russe, juive, christique, ce qui fait qu'en les regardant on se penche au-dessus de mille rives et miroirs confluents rêveurs. Pour y grandir, prier, fuir dans des infinis multipliés et débordants de vie avec lui, on s'élève dans tant de ciels qu'on le contemple en vivant et en revivant ses rêves. « Si toute la vie va inévitablement vers sa fin, nous devons, durant la nôtre, la colorier avec nos couleurs d'amour et d'espoir », écrit-il. On pourra évoquer Kandinsky, le cubisme, les vitraux, les mariages, les scènes russes âpres et rustiques, la sainteté, la souffrance des guerres,on n'épuisera pas ce langage de rêverie aérienne reconquise, ses syncrétismes, ses éclatantes déclarations d'amour à Bella, sa femme et sa muse pour l' éternité, reprise par le ciel en 1944 pour son plus grand malheur. Ayant traversé révolution, guerres, fuite, exil, malheurs et persécutions, Chagall, dont cette grande exposition propose la vaste chanson de geste et le récit en perpétuel mouvement, nous engage vers le recueillement et la lecture d'une destinée bouleversée, mais surtout vers une montée jusqu'à la hauteur de tous ses chemins de croyance. Quand on regarde Chagall, on veut croire avec lui tout ce qu'il croit, et souffrir tout ce qu'il souffrit. Puis en ressortir sans que l'émerveillement cesse.
Documentation et livres sur le site museeduluxembourg - de février à juillet 2013-ChagallentreGuerreetPaix --le site :http://www.museeduluxembourg.fr/Flash/Mecenat/Chagall/pages/2-rmn-musee-du-luxembourg-chagall.htm ( écrit vécu et pensé par amateur des lac italiens - elevergois.com - eric levergeois )