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29 mars 2018 4 29 /03 /mars /2018 16:50

quelques pages plus loin (on ne va tout mettre)

 

D' une certaine manière, l'amour fou  contamine  absolument tout ; il corrompt la vision du monde en ce sens qu'être privé de ce qu'on désire fait qu'en tout spectacle se dissimule un secret message ; soit on voudrait le voir avec celle qu'on aime, soit elle manque si fort à celui qui attend qu'elle mêle sa présence à tout ce qu'il voit comme une clé secrète. Les adolescents qui aiment vraiment pour la première fois, les collégiens qui ressortent dans les rues pour regarder les passantes et faire toujours le même test pour le plaisir, aiment à se dire : je suis aimé de la plus belle, il n'y a qu'elle, aucune autre ne la vaut. Pour être exact, il faut dire qu'Albertus se fondait dans le monde par cet amour qui était la preuve de tout, qui lui procurait un état d'anxiété, de passion toujours plus exagérée,  mais jamais exactement satisfaite – il attendait Dolly  mais elle venait le voir n'importe quand, elle surgissait comme une pluie subite, imprévisible et décidée – et ce qu'il y avait de plus fou dans leur liaison était cette espèce d' « émotion forte »,  dont il redemandait une petite dose à tout instant, sous forme de bonheur et souffrance indifférenciés, ne sachant plus vraiment si ce qu'il demandait était le plaisir d'être libre ou celui de souffrir un peu plus. Comme qui est déjà ivre et veut boire encore. Il est étrange et merveilleux qu'on se possède de façon imaginaire par le sentiment amoureux et ses divagations, qu'on perde la tête, comme on dit, surtout si à force de privations et d'attentes on se perd en soi-même, esseulé, égaré,  espérant  au fond  une solution  qui ne viendra jamais.

 

En ce sens, Nathan avait raison : Dolly ne viendrait jamais avec armes et bagages s'installer dans une maison plus petite, dans une rue sombre du Palais-Royal, elle appartenait de toute façon à son monde élégant et lointain – mais lutter contre cette évidence par une suite d'heures volées, consumées en étreintes très piquantes, lui paraissait sublime, mille fois plus beau que la vérité qui était brutale. Albertus  ne voulait rien voir cependant, et il s'enlisait ; peut-être un peu trop poète, il espérait dans la fable de cette union comme on pense avoir des pouvoirs plus grands que soi ; le beau tableau de Persée délivrant Andromède était un défi dans le style de l'homme ambitieux, imaginatif, conquérant qu'il croyait être – il y en avait un au Louvre qui était si beau, si puissant qu'il se disait qu'il avait lui aussi ce pouvoir de délivrer la prisonnière– et que la pureté (s'il s'agit vraiment de pureté) de leurs intentions était magique et emporterait tout à la fin du combat. Mais il mettait, lui, dans son aventure, tous les secrets de son imagination, sa culture, sa poésie, sans songer un instant qu'au lieu de le renforcer, ce genre de qualités le rendait  plus faible ; et qu'un simple incident de la vraie vie pouvait le décevoir à jamais. L'avenir très proche allait en placer un devant lui.

 

par l'amateur des "luoghi ameni" chartreusesques que les amoureux des sites stendhaliens connaissent bien, et toujours dans la logique des passions folles -- elevergois.com in altre parole eric levergeois -- tous droits chez Me N. à Paris. -- (ici qqs corrections à faire)

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