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28 février 2024 3 28 /02 /février /2024 18:09

elevergois nous transmet :

 

" Ravi de lire Baudelaire, Chateaubriand, Mallarmé et autres raffinés orfèvres, ou ciseleurs méticuleux et passionnés de la langue, nous avons trouvé par pur hasard (quelle n'était pas notre ignorance !!) un court texte de Huysmans, acheté à la Librairie DELAMAIN (les lettrés reconnaîtront) un vieux volume contenant des scènes de Paris, parmi lesquelles se trouvait "CHEZ LE COIFFEUR", un texte absolument hilarant, comique, grotesque, comment dire? c'est le genre de morceau qu'un lecteur sur scène (du genre de Maître Lucchini) produirait comme vrai morceau de bravoure. Il y a dans la prose de Huymans toutes sortes de joyaux, pierres rares tirées du fond d'un galion englouti, et qui ressortent (ce sont des mots, bien sûr) avec des facettes inconnues, et puis cette façon mordante, hardie, tordue, rincée, blutée (comme il aime dire) qui emporte dans des régions de la sensibilité littéraire qui nous étaient jusqu'à notre huysmanomanie, absolument inconnues. J'ai trouvé chez un auteur dont il "descend" en droite ligne, cette expression: "une des plus rares sensations que le faible instrument du litterateur puisse coucher sur la neige du papier" -- je cite de mémoire, pardon. C 'est franchement ça. Et le fameux voyage dans la lune, (salué par André Breton), que Jacques Marles, son héros, entreprend soudain au milieu d'une cambrousse paumée, qui est dans EN RADE! quel débordement d'intuitions boursoufflées! Bien sûr, vous me direz qu'il faut mentionner A REBOURS, le genre de livre qui, comme chacun le sait, est toujours à relire, à rerelire à l'infini, devant sa cheminée plusieurs hivers de suite (et méfiez vous des conseils des universités, je vous l'aurai dit) , rien de détourne autant du sens charnel, vivace et coriace d'un texte vraiment grand. Pour la scène du coiffeur  je vous mets un lien qu'on me transmet, j'espère qu 'il est bon https://www.anthologialitt.com/post/le-coiffeur-par-j-k-huysmans -- sinon vous avez les editions Sillages (les habitués de café - Les soeurs Vatard - En ménage) -- prosateur grandiose ce Huysmans. Nous disions autrefois à nos étudiants: "ne cherchez pas les oeuvres, ce sont les oeuvres qui viennent vous chercher". Et bien voilà, la vie des arts c'est comme l'amour, il y a quelque part une nouvelle espèce de création qui vous attend, ne vous pressez pas, promenez-vous, laissez-vous emporter dans le courant de la vie, soyez attentifs et curieux, car la Vie a toujours plus d'imagination que tout ce que vous pouvez imaginer. On doit préciser pour les âmes sensibles que Huysmans était un peu écoeuré (beaucoup même) par la vie moderne. Célibataire endurci qui lève des filles,  et admirateur du chant grégorien, en plus de cela. Et trop tenté par la chair, il se dirigea lentement vers la religion comme le montrent assez les texte de En Route et La Cathédrale. Ca n'est pas une partie d'enthousiasme béat, certes non,  que de lire Huysmans, mais la palette de tons rarissimes et de nuances de son art verbal nous laisse sidérés; quel luxe de mots inouï !! Quel alcool fort, cette lecture, diantre! A vous de voir. A consommer avec modération, du moins au début. "

 

J K Huysmans est publié en Pléiade, et surtout Folio, Sillages, et Garnier Flam

Dicté de son île bleue par elevergois.com

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20 novembre 2022 7 20 /11 /novembre /2022 13:31

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26 mars 2021 5 26 /03 /mars /2021 16:16

Madame,

A présent la postérité vous a donné raison dans votre entêtement et le considère avec toute l austérité qui convient à une heroine qui s attache à la vertu....(l auteur reconnaît que il ne sait pas mettre en forme sur cet appareil, il conviendra donc d attendre une version « mise en forme selon les règles ») l amateur des lacs italiens et de la chère Stendhalie cale devant les affres du numerique. 

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23 janvier 2020 4 23 /01 /janvier /2020 18:12

Je t'aime, je ne pense qu'à te retrouver, tu me charmes par ta présence, par tout ce que tu dis, par tes attitudes, ton parfum, ta démarche, Je t'observe par une sorte de regard intérieur lorsque tu t'assieds ou lorsque tu te lèves, lorsque tu allumes une cigarette, et lorsque tu te verses un peu ou même un peu trop d'alcool. L'autre soir, malgré la grève et les sursauts étranges que vit ce pays nous étions dans une salle de spectacle pour l'anniversaire de tes amies -- c'était un bonheur extroardinaire de me retrouver là à suivre un concerto, peut-être un peu trop connu, et de te savoir proche par le coeur et l'âme -- et puis de nous dire, après, "oui, bien sûr, on dit monts et merveilles de cette salle, l'acoustique est bonne, mais cela manque un peu de cette magie qui hante les veilles salles, et le bâtiment entier, vu de loin, est une sorte d'innovation ambitieuse mais un peu froide..." et nous avons, comme bien souvent, executé quelques variations sur des idées semblables et respiré les brumes de cette fin de concert tout en rentrant à pied. Je t'aime par tout ce qui nous vient dans la conversation et qui  confirme que nos âmes sont unies, que nous agissons comme un homme et une femme unis par les accords d'une vie pensée et vécue dans un bonheur que les heures construisent avec nous, et aussi dans des moments inconnus, sur une sorte de film en négatif, et que des lumières propices vont "reveler" , exposer à la vie de tous ceux nous connaissons comme une oeuvre brillante. A ces amies qui s'occupent comme toi de cinéma, je dirai que des sens cachés et subtils enregistrent nos gestes, nos sentiments, nos pensées, nos dialogues, et qu'ensuite il est nécessaire d'opérer un "montage", comme une relecture précise qui accorde les morceaux les plus essentiels. J'adresse ces pensées vite  notées à toi ma moitié d'âme, mon être sensible et intense, et aussi à tes précieuses amies, Annie M et Evelyne D pour leur dire ma sympathie et mon affection très vraies. Je souligne que ce texte est aussi pour elles -- pour vous toutes, amies de la Mystérieuse et de celle qui est la Femme Magique et Essentielle et que j'aime.

 

(merci aux lecteurs occasionnels de ne pas bricoler le mot de passe du site continuellement)

 

 

eric levergeois amateur des lacs italiens qui fait son retour sur ce blog pour exprimer le bonheur de la vie dans son génie et son incandescence -- elevergois blog de littérature surtout stendhalien et inspiré par les luoghi ameni

 

 

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12 janvier 2020 7 12 /01 /janvier /2020 16:04

Albertus se sentait comme un descendant littéraire de Proust, de Stendhal, de Balzac, et il avait durant l'adolescence developpé une attirance folle pour les femmes évoluant dans un univers de distinction -- d'ailleurs plus rêvée que réelle -- soit qu'elles fussent des personnes recomposant pour son imagination de vrais traits d'aristocratie et de finesse, soit qu'il les eût simplement tirées d'une rêverie venant de ses lectures de textes pas très conformes au rythme et aux signes matérialistes qu'affichait la fin du siècle écoulé. Il ne pouvait se séparer de cette espèce de quête: disntinguer dans l'océan des rencontres possibles un  être miraculeux et élégant,  en devenir fou, puis la poursuivre d'une manière éperdue. Naturellement, comme critique, amateur d'art, journaliste indéfinissable,  voyant naître au bout de ses doigts une sorte de talent littéraire qu'il moneyait parfois, (et par ailleurs se composant un personnage plutôt séduisant), il avait ancré sa passion (et plus souvent son chagrin d'ailleurs) à la destinée de plus d'une jeune et jolie bourgeoise, vêtue et parée comme il convient, et qui souvent le rejetait après quelques semaines avec mépris. Ce que décrivent les romans avec force détails au sujet des femmes abandonnées, il l'avait vécu lui, de nombreuses fois,  comme si toute aventure brisée qui le laissait blessé dans sa crédulité et son orgueil, était une campagne marquée par un échec âpre et douloureux. Il s'en relevait, mais sombre, l'âme creuse, déçu de l'univers entier; il était décidé à recommencer en sombre calculateur, mais rien n'y faisait: la lumière qui nimbait du haut du ciel la future fée avait le pouvoir de tout effacer, de recomposer l'échelle menant jusqu'aux nuées, puis, le jour venu, il en retombait avec perte et fracas. On parle des chagrins d'homme en les évitant, et la littérature, mis à part quelques oeuvres, ne nous renseigne pas beaucoup sur ceux qui, par les douleurs de la naissance, deviennent un peu des  aventuriers de l'amour (qui semble être devenu de nos jours une affaire de gymnastique, enfin passons) mais il existe des êtres qui ont, pour ainsi dire, la poitrine couverte de décorations et de distinctions signalant des "victoires" sur la peine et la tristesse; ce sont en réalité des défaites dont on croit ne pas se relever -- et dont pourtant avec le temps, on se relève (.../...) à suivre

 

par elevergois eric levergeois -- l'amateur des lacs italiens stendhalissime esprit qui poursuit ses séjours sur les rives enchantées en lisant son Dante et ses classiques -- tous droits protégés par mon colt -- 

 

 

 

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27 décembre 2018 4 27 /12 /décembre /2018 16:00

 

Ils étaient si absolus dans leurs étreintes, leurs sens qui s'exaltaient leur faisaient perdre toute conscience, toute retenue, ils oubliaient si vite toute  présence au reste du monde qu'ils paraissaient ne désirer qu'appartenir l'un à l'autre; comme on échange son âme par désir de se donner sans retour. Et ils trouvaient parfois que l'union de leurs corps était encore un obstacle car ils auraient voulu brûler, vivre, respirer, ne sentir qu'un seul être pour deux tant ils s'aimaient. Et que rien ne s'oppose à cette union intense. Ainsi l'amour dans lequel on s'épuise à force de caresses, de crispations, de baisers fous, est-il parfois l'image d'un exploit impossible, d'un effort qui apporte sa moisson de plaisirs mais aussi de vague tristesse -- car ce qu'on croit posséder on ne le possède pas, et la femme aimée s'échappera toujours, loin de l'union profonde et grave dont on rêve; le mot amour sera toujours fait de deux moitiés alors que les amants rêvent d'une alchimie plus subtile.

 

Certes, elle lui laissait des boucles de cheveux, des photos -- qu'il acceptait avec joie mais aussi avec une gêne indicible -- et d'autres objets simples de parure quotidienne: bracelets, bagues, foulards, une certaine écharpe adroitement oubliée sur un siège, choses qui évoquaient sa présence mais ne pouvaient arrêter le temps. D'ailleurs tous ces signes pouvaient-ils la recomposer et la lui restituer? certes pas, ils étaient là comme des témoins muets, tandis que toute sa peau à lui respirait de la force qu'elle lui avait donnée; et il se demandait si elle n'était pas une sirène, une fée, un être surnaturel -- de toute façon elle lui semblait destinée à cette vie présente depuis des temps lointains.

 

Elle partie, il sentait sa maison déserte. Et dès qu'elle était absente, il se mettait à sa table de travail, lui écrivait une ou plusieurs lettres dans la matinée; privé d'elle il continuait à l'invoquer par sa plume, passionnément -- au point que le coursier de la Compagnie des Tissus finissait par en sourire, avec tous ses aller-retours délirants. Albertus était comme hanté et il se tenait à genoux devant cette force qu'il n'avait jamais connue avant. Il se sentait vivre en elle comme si son âme eût été soudain éclairée d'une lumière chaude qui l'accueillait, le conduisait vers tous les les bonheurs possibles, et parfois les dépassait dans une sorte d'inquiétude, de joie presque douloureuse; ils en perdaient presque la raison. Quand il lui ouvrait sa porte ou la revoyait à l'improviste, c'était comme une présence lumineuse qui lui donnait un élan mystérieux et sublime, il reconnaissait  l'apparition d'une complice ou d'un double de son âme qui recréait le monde; un monde qui était comme celui-ci mais qui était aussi tout-à-fait ailleurs, hors de portée de tous ceux qui ne peuvent voir ni espérer aussi loin. Ils s'aimaient d'un amour vraiment fou.

 

 

Par l'amateur des lacs italiens-- elevergois.com-- toujours passionné des rives de la Stendhalie merveilleuse et y berçant à volonté ses souvenirs. eric levergeois

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10 juin 2018 7 10 /06 /juin /2018 23:46

 

On le voit, Albertus aimait son amie au-delà de toute possibilité concevable et sa perception des êtres, la manière dont il recevait l'amitié sincère et les offres de sentiments nobles (comme l'attention de son amie Caroline) devenaient parfois invisibles, incapables de traverser le mur de sentiments qui l'emprisonnait. Le monde des personnes dignes d'attention s'évanouissait. Excepté lorsque dans la foule des passants, parfois, un mince détail le tenait en arrêt de façon brutale : c'était dans la courbe d'un front, dans la coupe de certaines bouches ou quand le vent agitait en frissonnant une chevelure, c'était un rappel de la personnalité adorée qui lui apparaissait.

 

Une promenade dans un musée, les transports publics ou les aéroports lui offraient brutalement un indice ; alors il tressaillait intérieurement sans savoir pourquoi, puis les secondes passant, la ressemblance s'imposait, comme on cite le passage d'un auteur connu qui soudain nous revient en entier : cette démarche, ce détail du visage aperçu même de trois quarts, lui montrait une légère réplique des traits intériorisés de sa divine amie. « Pourquoi donc ainsi s'attarder sur la démarche de cette personne qui traverse une avenue, ou de celle-ci qui prend un taxi ? » pensait-d'abord, tout à sa surprise. Puis le lien s'imposait d'une manière irréfutable. Et il passa ainsi des années à « reconnaître » sans le vouloir, des détails épars et disséminés – comme il nous arrive de repenser par pur hasard à un parfum ou à la coupe d'un vêtement. C'était un signe qui lui rappelait Dolly, c'était l'évidence, une rime recommencée de leur poème.

 

Et il se disait que ces signes,tout ce qui concernait cette femme, devaient s'être ancrés à la manière dont les savants botanistes ou les archéologues font malgré eux le rapprochement après avoir étudié, comparé, croisé des pistes et des preuves pendant des années sur une question compliquée, remontant à la nuit des temps. Et il devait se rendre à l'évidence. Le détail en question venait d'elle. Etait-ce parce qu'il devait sans cesse l'attendre et la guetter dans des conditions d'anxiété, était-ce le frisson douloureux de leurs retrouvailles? Il en arriva bientôt à se dire qu'il était vraiment hanté, qu'il aimait si passionnément et qu'il vivait en son absence de si longs moments de « paradis perdus » que son âme les avait collectionnés, qu'ils s'étaient imprimés en lui de façon ineffaçable, irrémédiables. Ainsi fonctionne la mémoire supérieure de l'amour, un émerveillement attentif et constant qui double la mémoire qui est volontaire, celle qui s'applique aux études, aux tableaux, aux livres.

 

Par hasard ou caprice, quelques rares femmes portant ces mystérieux signes distinctifs, ceux qui étaient indispensables à son équilibre, à un bonheur qu'il plaçait – ou qui se plaçait de lui-même – au-dessus de tout, se manifestaient dans la vie courante.. Il y voyait la preuve que son cœur abritait un immense amour dont la partie exprimable avait ses mots, ses phrases, ses contours, mais bien au-dessus de tout cela, il y avait comme une puissance d'icône, l'élan d'une prière, d'une adoration capitale. Ces ressemblances inattendues glanées dans la foule le mettaient dans un état étrange ; il ne suffisait pas à cette femme d'exister et d'être retrouvée quand ils se rencontraient; il y avait bien plus; tout comme on parle des souvenirs matériels, bijoux, objets, boucles de cheveux ou photos, il existait d'autres signes surgissant au détour d'une rue; et il se disait, qu'une telle forme d'attachement, lui qui était certain de l'aimer follement, se perdaient dans d'autres signes innombrables comme dans une sorte d'histoire avant l'Histoire – et aussi que cette passion avait entièrement envahi sa manière d'observer, de sentir, comme on se souvient d'une sœur, d'un être dont on a été proche pendant des années ; d'un cœur dont la vie peut nous séparer, mais dont on ne possède que la moitié, la moitié d' un cœur unique pour deux – ce cœur qui une fois disparu manque à jamais.

 

par l'amateur des lacs italiens qui rêve et songe à la Stendhalie des rives de Côme et autres sites voisins, et lit-relit-rerelit pieusement la divine Chartreuse (dont Calvino a dit que c'était le roman absolu, d'ailleurs) eric levergeois -- elevergois.com fecit.

 

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3 juin 2018 7 03 /06 /juin /2018 20:40

 

quelques pages plus loin...

 

Il se sentait énervé, blessé même, par la découverte de cet inconnu célèbre près duquel il jouait, vraisemblablement, le rôle d'amant en second ; par orgueil et par provocation, il fut tenté de répondre au petit jeu de Caroline, ou du moins « faire comme si » il cherchait à la séduire ; il vit ce qui pouvait suivre en un éclair – il lui suffisait d'oser, dans ce domaine il n'était pas précisément maladroit ; ils échangeraient de jolis baisers de cinéma (ceux qui ne signifient rien pour la partenaire), quelques confidences sur la musique, la solitude, la vie de bohème et autres propos de quais pour fiancés. Il descendit lentement les marches  et alla la rejoindre, attentif à ne rien provoquer. L'amateur d'art, l'éternel étudiant du Louvre sentait en lui se dessiner une scène dans le genre de Watteau, avec le son étouffé d'une guitare, des jets d'eau, une sorte de brume argentée remplie de serments – à conditions d'oublier le passage de toutes ces péniches entouristées qui rompaient le charme. Le moment était agréable, la nuit légère. Il s'efforça de rester assez loin de la jeune femme, sans franchir la ligne imaginaire qui séparait leur sensibilité – mais objectivement parlant, elle était bien jolie; il s'en apercevait, tout comme elle de son côté s'amusait de sa prudence. Une sorte d'entente muette s'installait ; ou plus simplement parce qu'ils se guettaient l'un l'autre.

 

« Tu vas rester longtemps comme ça , lui demanda-t-elle. On dirait une statue de glace … » Il s'interrogeait : comment lui faire sentir qu'il était bien là sans la froisser, ou lui donner l'impression qu'il rêvait d'une autre ? Plus il s'interrogeait, plus il trouvait au fond de lui que sa substance vitale se résumait à sa seule et unique passion ; il ignorait tout le reste; il n'aimait qu'un seul être au monde; il aurait voulu remonter les marches et partir. Quand il s'approcha d'elle, elle lui dit qu'elle aurait aimé venir avec son violon et jouer pour lui. C'était pour répondre aux très jolies lettres qu'Albertus avait jetées, un an plus tôt, dans sa boîte, dit-elle ; elle avait même en tête un programme.« Tu vois, là-bas, un peu plus loin sur ce quai, les saxophonistes qui ne veulent déranger personne viennent s'exercer. Une pause, puis soudain: "Et moi, quand je joue, tu es dérangé par la musique qui traverse les murs ? » Il dit que non. « Et tu m'écoutes un peu ? » Il dit oui, sans marquer le moindre enthousiasme. « Et là, maintenant, quand je te parle tu m'écoutes vraiment ? » Quitte à  provoquer chez elle un léger énervement, il lui confia qu'il se sentait un peu ailleurs. « Encore ta duchesse ? » fit-elle. Il aborda directement le sujet : « Je sais ce que tu vas me dire, mais elle est là tout le temps, vraiment tout le temps »....il hésita puis reprit : « Même si Caroline est ici, devant moi, jolie, douée, intelligente... et perdue dans les phares de ces bateaux stupides. »

 

Comme un bateau arrivait, précisément, avec ses phares et ses lumières tranchantes, il prit la violoniste par les épaules et la protégea des éclairs de mirador ; elle se serra un peu contre lui. « Moi aussi, j'ai un homme caché dans ma vie, murmura-t-elle, c'est un médecin, il est marié... » Albertus profita de cette confidence : «  Donc nous sommes dans la même situation... » Quand elle avança son visage et ses lèvres pour recevoir un baiser, et il préféra la serrer sur sa poitrine, la tint longuement et gentiment, montrant assez clairement qu'il ne souhaitait rien d'autre. « Effectivement, reprit-il, nous sommes à peu près dans la même situation... » ; elle comprit vite le petit geste d'évitement.  Elle lui dit : « Tu as l'air de l'avoir vraiment dans la peau, cette femme... » Il préféra ne rien répondre. Elle resta blottie contre lui, il sentait le parfum de ses cheveux, la douceur de la situation lui était agréable. Il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il y avait là quelque chose de fortuit. Elle provoqua : « Au fond, il y a une autre chose chez toi : tu es un vieux renard. Un vieux renard qui cache bien son jeu. »

 

Elle touchait juste ; elle découvrait qu 'Albertus pouvait manœuvrer en marge de gestes précis, aussi longtemps qu'il le voulait, autant qu'il voulait mais pas plus qu'il ne voulait. En vérité, il ne se sentait pas au bord d'une nouvelle aventure, il faisait des gammes sur la sensibilité d'une femme,  avec des attentions jolies, peu précises, qui éloignaient tout aveu de tendresse avec un tempo bien réglé. Elle s'écarta de lui et lui lança : « Tu as toutes les qualités d'un séducteur, mon cher... » Albertus ne répondit rien. Probablement un autre que lui eût profité de la situation, comme on dit, mais il se contentait d'avoir près de lui une sorte d'amie de cœur. Une amie d’un soir. La dernière phrase le fit réfléchir : était-il, comme le soutenaient Nathan et ses amis une sorte de Don Juan ? un homme plein de charme à qui beaucoup de femmes se lient par tendresse, mi-conquises, mi-émues par son personnage excentrique et littéraire? Cela faisait décidément beaucoup de questions pour une seule soirée.

 

Les minutes passaient, il finit par être embarrassé mais ne voulut pas le montrer. Il proposa à Caroline d'aller s'asseoir sur une grosse marche pleine de mousse, et ils restèrent là quelques minutes pendant qu'elle lui racontait sa vie sentimentale, faisant défiler des noms et des lieux qu’il n’écoutait pas, y ajoutant quelques petits détails secrets. C’était quelqu’un de très bien, une personne solide, très organisée, très jolie, très douée; pour un mariage en forme d’assurance tous risques, aurait dit Sabine. Il comptait sournoisement sur la fatigue, le temps qui passe et fuit dans la conversation, et sur la finesse de la jeune femme qui devait comprendre qu'il n'y avait rien à tirer de lui.

 

Il rentrèrent au milieu de la nuit ; Albertus ne remarqua aucun signe du passage de Dolly dans l'entrée de l'immeuble, et il fut de nouveau inquiet. Il laissa Caroline avec une sorte de baiser d'amitié sur le front, un peu plus dosé d'un peu moins, et rentra dans ses deux pièces couvertes de documents, tous prêts pour le travail du lendemain; il avait un exposé  sur un grand papier collé de Matisse:  la Tristesse du Roi, où l'on voit un personnage habillé de noir, concentré sur lui même ; il est entouré de deux figures qui jouent d'un instrument qui semble s'échapper en petites feuilles comme celles qui tombent d'un arbre en automne. Avant de s'endormir complètement en travers du lit, il remua le titre et la scène dans sa tête : un homme assis entre deux femmes qui se chargent de son bonheur, à moins que ce ne soit de son amertume. Il vit défiler ces idées vagues puis sombra dans le sommeil.

 

Encore et encore par l'amateur des lacs italiens, stendhalissime et impenitent lecteur of the Chartreuse (au programme des concours l'an prochain, tiens) qui évoque encore une fois les eaux calmes des lacs, les galets, les rives, le souvenir d'une promenade l'été dernier au coeur de la nuit -- par eric levergeois -- in arte levergois.com sur "le blog elevergois" come sanno gli amici ormai.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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21 mai 2018 1 21 /05 /mai /2018 19:21

(une dizaine de pages plus loin, of course)

 

Il se retrouva bien assis dans la salle de concert, sans pouvoir rien entendre. Les places avaient été procurées par le maître en personne ; cependant Albertus était agité, et il sentait en lui l'écho d'une tempête. Il observa les attitudes un peu patriciennes du pianiste : c'était le type de personnage qu'il  avait imaginé, aussi raffiné que le noir brillant de son habit de scène, l'air mondain, très distingué. Il arborait une chevelure artistement bouclée, teinte précocement d'une couleur argent trop voyante ; cela lui donnait l'air d'un marquis très inspiré mais surtout hautain. En y songeant davantage, Albertus s'interrogea sur cette espèce de rival. Certes l'histoire familiale de Dolly, qui la reliait à Vienne, à Prague, avait pour écrin ces grandes familles se recevant pour se donner, entre amateurs éclairés, des quatuors, des récitals, jouer les partitions de jeunes génies ; ce genre fin de siècle pouvait se poursuive dans d'autres lieux, jusqu'à nos jours ; très probablement, Max de Rhodes n'était pas simplement un ami de collège de sa divine amie – Albertus se vit un instant ravalé au rang d'amoureux secondaire, lui entrant par la petite porte de service, tandis que d'autres soupirants bien nés, eux, avaient droit à la grande porte, celle qui donne sur l' Unter der Linden local. Je devrais être sur la scène en train de tourner les pages de sa partition, se dit-il, un peu énervé. 

 

Mais il restait hanté par le coup de fil angoissé qu'il avait reçu ; Dolly était -elle menacée, pressée par les insultes et les reproches – à la vérité bien motivés – d'un Charles-Edouard exaspéré ? Que pouvait oser un homme digne poussé à bout ? il déciderait de la mettre à la porte ? de la priver de son fils ? Son imagination battait la campagne. Tandis que  l'homme sur la scène jouait son programme, Albertus, lui, en entendait l'aria, comme les professeurs de musique disent au conservatoire de « lâcher son intrument », de chanter l'air au fond de soi pour le posséder dans le cœur. Tout ce qu'Albertus réussissait à chanter en lui-même, c'était qu'il aimait cette femme follement, et qu'elle était la préoccupation unique de sa vie. Et  comme cette passion cachait tout le reste, il demeura convaincu que Max de Rhodes, si grand qu'il fût, ne comptait pour rien ce soir-là. Dolly arriverait tôt ou tard avec un message, mais à quel moment? 

 

Albertus était pour son malheur un imaginatif, un esprit romanesque attardé, et même dans les actes courants, il optait pour la solution que proposent les récits  poétiques et les drames. Il ne percevait que la partie lyrique et enlevée des histoires d'amour ; hors des sphères élégiaques, des longs couloirs de musées qu'il arpentait sans cesse, de l'inspiration que lui donnait l'art et qu'il plaquait sur la vie, il n'analysait pas sa position. A la différence d' un joueur qui dispose ses pions, il s'était engagé avec sa seule énergie, dans une rude partie contre des forces professionnelles et sociales qui l'eussent balayé d'un revers de la main. Seulement, plus fou encore que les autres fous, il se disait que devant le mystère d'une telle liaison, il mettait sa vie en jeu comme  on risque un bien sans importance – l'attitude était certes noble, pleine d'aveuglement et un peu ridicule. Il le savait, mais il vivait de tels moments d'abandon, de risque, d'heures volées et de passion, que lui demander de raisonner était inutile. Il aimait à la folie.

 

Dès l'entrée dans la salle de concert, son amie violoniste, qui était ravie de parler à Max de Rhodes en personne, lui avait servi de donna dello schermo, femme écran ou prétexte – comme il en existait dans la littérature dantesque – celle qui sert à détourner l'attention, tandis que la vraie femme aimée est ailleurs. Ainsi, il n'avait perdu, gardant son calme en apparence, aucune des phrases de présentations échangées avec l'artiste – il était attentif à son visage, le scrutait, l'interprétait de cent façons, participait au bavardage mondain comme qui serait opéré d'un bras sans calmants et compterait un à un les coups d'aiguille. Il soupesait chaque instant sans rien montrer. Il regardait cet homme surgi du passé de son amie, restait intrigué. Le souvenir enivrant et fou d'avoir vécu des élans infinis avec Dolly, des étreintes qui ne reviennent jamais dans une vie, lui faisait considérer cet homme avec des sentiments étranges – vraiment, pouvait-elle partager la vie de cet homme-là ? Une sorte de professeur d'université plutôt sérieux...– trop de questions lui montaient à la tête. Et puis son esprit fatigué lâcha prise. Va pour un Max de Rhode, deux, dix mille même ! se dit-il à la fin ; trop d'indices récents lui prouvaient mieux que tout que c'était lui qui était aimé, et il n'avait pas de raison d'en douter. 


Lorsque Caroline, la jolie violoniste, eut fini de commenter le concert avec les remarques techniques, les petites piques d'usage sur les tempi, la lenteur d'un passage de valse et autres aigreurs parisiennes, ils décidèrent de sortir vite et reprirent la voiture. La jeune femme roulait prudemment ; elle cherchait à obtenir un avis un peu cultivé sur le concert, mais Albertus resta très vague. Peut-être agacée, elle lui lança :  « Tu vois, de Rhodes, c'est le genre de pianiste dont on tombe folle amoureuse, ou alors il te laisse complètement indifférent, il n'y a pas de milieu . » Il y a peut-être un milieu pour un homme qui partage avec lui l'amour de sa vie, chuchota une voix intérieure … – il risqua comme seule réponse : « Peut-être... »  d'un ton détaché, et il continua à regarder défiler Paris dans la nuit.

 

à suivre, disent les feuilletons!  (caroline qui n'a pas bien compris son rôle, cherche à prolonger la promenade dans la nuit, mais...) -- des pages encore et encore par l'amateur des lacs italiens bercés par leur jolie vague qui étire sa soie sur leurs bords, les soirs  d'été -- tous droits ultra protégés par toutes les lois en vigueur et autres -- eric levergeois elevergois.com

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29 mars 2018 4 29 /03 /mars /2018 16:50

quelques pages plus loin (on ne va tout mettre)

 

D' une certaine manière, l'amour fou  contamine  absolument tout ; il corrompt la vision du monde en ce sens qu'être privé de ce qu'on désire fait qu'en tout spectacle se dissimule un secret message ; soit on voudrait le voir avec celle qu'on aime, soit elle manque si fort à celui qui attend qu'elle mêle sa présence à tout ce qu'il voit comme une clé secrète. Les adolescents qui aiment vraiment pour la première fois, les collégiens qui ressortent dans les rues pour regarder les passantes et faire toujours le même test pour le plaisir, aiment à se dire : je suis aimé de la plus belle, il n'y a qu'elle, aucune autre ne la vaut. Pour être exact, il faut dire qu'Albertus se fondait dans le monde par cet amour qui était la preuve de tout, qui lui procurait un état d'anxiété, de passion toujours plus exagérée,  mais jamais exactement satisfaite – il attendait Dolly  mais elle venait le voir n'importe quand, elle surgissait comme une pluie subite, imprévisible et décidée – et ce qu'il y avait de plus fou dans leur liaison était cette espèce d' « émotion forte »,  dont il redemandait une petite dose à tout instant, sous forme de bonheur et souffrance indifférenciés, ne sachant plus vraiment si ce qu'il demandait était le plaisir d'être libre ou celui de souffrir un peu plus. Comme qui est déjà ivre et veut boire encore. Il est étrange et merveilleux qu'on se possède de façon imaginaire par le sentiment amoureux et ses divagations, qu'on perde la tête, comme on dit, surtout si à force de privations et d'attentes on se perd en soi-même, esseulé, égaré,  espérant  au fond  une solution  qui ne viendra jamais.

 

En ce sens, Nathan avait raison : Dolly ne viendrait jamais avec armes et bagages s'installer dans une maison plus petite, dans une rue sombre du Palais-Royal, elle appartenait de toute façon à son monde élégant et lointain – mais lutter contre cette évidence par une suite d'heures volées, consumées en étreintes très piquantes, lui paraissait sublime, mille fois plus beau que la vérité qui était brutale. Albertus  ne voulait rien voir cependant, et il s'enlisait ; peut-être un peu trop poète, il espérait dans la fable de cette union comme on pense avoir des pouvoirs plus grands que soi ; le beau tableau de Persée délivrant Andromède était un défi dans le style de l'homme ambitieux, imaginatif, conquérant qu'il croyait être – il y en avait un au Louvre qui était si beau, si puissant qu'il se disait qu'il avait lui aussi ce pouvoir de délivrer la prisonnière– et que la pureté (s'il s'agit vraiment de pureté) de leurs intentions était magique et emporterait tout à la fin du combat. Mais il mettait, lui, dans son aventure, tous les secrets de son imagination, sa culture, sa poésie, sans songer un instant qu'au lieu de le renforcer, ce genre de qualités le rendait  plus faible ; et qu'un simple incident de la vraie vie pouvait le décevoir à jamais. L'avenir très proche allait en placer un devant lui.

 

par l'amateur des "luoghi ameni" chartreusesques que les amoureux des sites stendhaliens connaissent bien, et toujours dans la logique des passions folles -- elevergois.com in altre parole eric levergeois -- tous droits chez Me N. à Paris. -- (ici qqs corrections à faire)

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