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17 janvier 2012 2 17 /01 /janvier /2012 04:21

 

 

On fêtait cette année le bicentenaire de Théophile Gautier, ce qui nous a procuré dans les écuries du Parc de Sceaux, une exposition brève mais mise en scène dans une épaisse ombre rouge qui lui va très bien. Car le Théo, comme l’appelait son ami de collège et d’élection Nerval, fut de tous les voyages lointains possibles dont il devait tirer des feuilletons et des récits pour la presse; d’ Espagne, d’ Italie, de Russie et même cette Egypte qu’il avait rêvée pour le Roman de la Momie -- bref, bref l’orfèvre (écrivant «avec la rêverie continuée d’un peintre" comme le proclama Baudelaire) dut «tourner la meule du feuilleton» comme une bête de somme, toute sa vie, ou une bête de trait à la ligne, avec le style et la perfection que l’on sait.

 

 

Ecrivain-peintre, prosateur raffiné ne dédaignant pas le style bretteur de cet insaisissable Siècle de panache, de révolte et de sonnets dit siècle de Louis XIII (cf son livre des «Grotesques» où défilent Saint Amand, Théophile de Viau, les Cyrano de Bergerac et autres figues picaresques à la Jacques Callot), d’où devait sortir un jour son «Capitaine Fracasse», Gautier fut toujours un errant, un exotique, un bohème, opposé rageusement à la modernité au nom d’un idéal classique, marmoréen, et digne de l’Antique, mais qu’ éventuellement il faut savoir prendre par les hanches, et plutôt deux fois qu’une, comme en atteste, à présent sur la toile, l’orgie intitulée lettre à la Présidente, (la même Apollonie Sabatier qu’aima Baudelaire) dont nous ne mettons pas le lien par tact, et du reste l’exposition scéenne nous en prévient par une carte signet qui porte ceci: «J’en préviens les mères de famille, ce que j’écris n’est pas pour les petites filles dont on coupe le pain en tartines.» Aussi êtes-vous prévenus...

 

Alors, naturellement, l’amateur de beautés trouvera dans cette rouge et sombre atmosphère d’alcôve -- où se promènent d’intéressantes figurines de chats en trompe-l’oeil (bien vu!) -- des beautés en peintures à manger du regard. Sous les vitrines s’alignent de nombreuses éditions originales sous un jour maigre d’aquarium, émouvantes, et les éditions des ballets (Giselle, évidemment, de même que la Péri et Sacountala, pour ne pas parler du reste) l’ensemble nous rappellant un trait bien honorable de la pensée de Gautier -- le désir très bohême de créer autour de lui cette famille composite de danseuses, Ernesta Grisi la mère de ses filles, soeur de Carlotta Grisi, la muse et la divinité inaccessible et puis et surtout, nous relèverons  cette croyane -- fort légitime à nos yeux -- qu’un Indien,  un Grec, un Turc et leurs femmes sont mille fois plus beaux dans leur costume local, bien mieux liés à l’horizon bleu qui les entoure que nos costumes sans vraiment beaucoup d’attraits spectaculaires, à peine costumes, qui sont un vaccin contre la recontre de l’Orient, de l’Asie,  et contre la spendeur locale des pays qui se couchent dans l’azur. Gautier se proclamait «Turc, et turc D’Egypte» et il représente par son bric--brac d’armes courbes, ses tenues, ses calumets, ses coiffures,  ses  trophées de voyage, ses rencontres, et l’abondance intarissable de sa production, une pyramide pas toujours bien visible au coeur de notre histoire littéraire.

 

Comme cette expostion s’apppelle -- ou plutôt s'appelait «Théophile Gautier dans son cadre», alors, prenons garde que l’immense Théophile ne descende la nuit du cadre des portraits et des photos par Nadar, et n’aille retrouver, comme dans ses nouvellles fantastiques, les fantômes des nuits de Sceaux errant dans le parc où seraient présents, assurément,  Emilie du Chatelêt, Voltaire, la pétillante duchesse du Maine, ses jeux, ses énigmes ses rires et ses folies. Pour vous en assurer, rien ne valait mieux que de diriger vos pas vers le parc et de guetter l’ombre de ce grand et magnifique passeur de civilisations.

 

Parc de Sceaux, entrée 5 euros et tarifs réduits, catalogue, livres, souvenirs,  jusqu’à la mi-janvier. C'est donc à présent passé, mais le  virus du Beau Idéal peut être doux à ruminer par la suite sous les grands arbres -- elevergois@aol.com -- blog elevergois - avec un salut complice et stendhalien à mes beaux lac italiens, comme il se doit.L'article a paru dans d'autres colonnes, je l'adresse avec une brassée de souvenirs toujours refleurissant à Jean - Emmanuel

C.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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