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30 janvier 2018 2 30 /01 /janvier /2018 18:03

Ces longues journées au Louvre, le bois des longs parquets craquant sous les pas, des vues surnaturelles pour se consoler en se réfugiant au cœur des tableaux! Il rêvait devant les scènes de départ et de quais encombrés devant les toiles de Claude Lorrain, magicien habile à rendre l’agitation de la vie qui grouille et son immobilité de rêverie posée sur un temps indistinct, lointain, infini. L’œil du soleil était au centre, créant comme une pâte issue des premiers instants de la Genèse et qui modelait un à un les personnages pour un bref instant. Revenant souvent, il prit goût à ce temps irréel que contiennent les tableaux, ces scènes qui rassemblent plus de figures ou de silhouettes découpées que d’hommes et femmes en action. Et surtout, c’était le départ annoncé et toujours retardé qui l’attirait devant ces vues de théâtre. Il y avait certes un souvenirs «des vaisseaux aux mâts compliqués» du grand poète romantique Baudelaire, mais ce qu’il aimait par dessus tout c’était le sommeil, l’abandon du monde, l’irréalité conquise. Là où vivent les tableaux, il aimait à s’arrêter pour se laisser gagner par cette sorte d’heure infinie contenant toutes les mémoires, traversée par tous les songes et n’en retenant aucun. S’il y avait un personnage prisonnier de ce genre de scène, c’était lui; il en était l’hôte et s’engageait sur cette allée infinie, faite de substance plâtreuse transportant une lumière où s’abîmait l’être tout entier. Et ses pathétiques langueurs d’amoureux déçu-- face à ce monde en apparence vidé de toute réalité -- glissaient au milieu des particules de soleil déclinant, et y trouvaient une manière d’y détendre et d'y incliner leur force, et de se recomposer, en quelque sorte, en se mettant à l’écoute et à l’unisson  des temples blancs debout sur les vagues. A la fin, il voyait là une vigueur, une force négative capable de renaître au cœur de cette rêverie arrêtée sur le versant des jours tristes. C’était la preuve qu’il existait des lieux de réconfort, des lieux d’art,  pour accueillir la solitude, l’amertume. Car si l’on ne s’embarque pas sur un quai imaginaire de Claude Lorrain, on y trouve une prière et une consolation -- une sorte d’image fausse et glacée,  un spectacle un peu spectral mais intimement vivifiant. Et l’on peut se complaire dans la  mélancolie des jours ainsi figés dans une gloire d’eau, de vagues,  de lueurs luisantes, mimées et fixes. Des tableaux comme ceux-là étaient anciens, mais même dans notre temps marqué par des rythmes violents, sonores, industriels, il leur trouvait l’attrait trouble et fantômatique qu’a la sonorité d’un violon, par exemple, instrument aux formes un peu archaïques, sans rapport évident avec nos jours techniciens, soumis aux machines, au commerce et explorateurs, mais qui se fond en lui avec son bavardage de cordes frottées, puis le dépasse bien vite dans sa langue capricieuse, vague, orientale, heurtée, crispante, parce qu’elle s’adresse ou recrée ce qu’il y a de plus profond, et recompose ce qu'on croyait détruit.

 

Par l'amateur des lacs italiens et de certains (nombreux) tableaux partout en Europe, eric levergeois -- elevergois.com -- qui aime à rappeler les lieux divins de la Stendhalie et si possible y séjourner de temps en temps. Droits protégés par Me  E. N. bien sûr.

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